Description
Collection |10| Colette
|7| Les vrilles de la vigne
Présentation
Les Vrilles de la vigne est un Recueil de vingt nouvelles de l’autrice française Colette. Il rassemble de courtes nouvelles d’origine essentiellement biographique dans lesquelles elle exprime son goût pour la nature et la nostalgie du village de son enfance.
Contenu
Les Vrilles de la vigne – Rêverie de nouvel an – Chanson de la danseuse – Nuit blanche – Jour gris – Le Dernier Feu – Amours – Un rêve – Nonoche – Toby-Chien parle – Dialogue de bêtes – Maquillages – Belles-de-jour -De quoi est-ce qu’on a l’air ? – La Guérison – Le Miroir – La Dame qui chante – En baies de Somme – En marge d’une plage blanche I – En marge d’une plage blanche II – Partie de pêche – Music-halls
Extrait
Les vrilles de la vigne
Autrefois, le rossignol ne chantait pas la nuit. Il avait un gentil filet de voix et s’en servait avec adresse du matin au soir, le printemps venu. Il se levait avec les camarades, dans l’aube grise et bleue, et leur éveil effarouché secouait les hannetons endormis à l’envers des feuilles de lilas.
Il se couchait sur le coup de sept heures, sept heures et demie, n’importe où, souvent dans les vignes en fleur qui sentent le réséda, et ne faisait qu’un somme jusqu’au lendemain.
Une nuit de printemps, le rossignol dormait debout sur un jeune sarment, le jabot en boule et la tête inclinée, comme avec un gracieux torticolis. Pendant son sommeil, les cornes de la vigne, ces vrilles cassantes et tenaces, dont l’acidité d’oseille fraîche irrite et désaltère, les vrilles de la vigne poussèrent si dru, cette nuit-là, que le rossignol s’éveilla ligoté, les pattes empêtrées de liens fourchus, les ailes impuissantes…
Il crut mourir, se débattit, ne s’évada qu’au prix de mille peines, et de tout le printemps se jura de ne plus dormir, tant que les vrilles de la vigne pousseraient.
Dès la nuit suivante, il chanta, pour se tenir éveillé :
Tant que la vigne pousse, pousse, pousse…
Je ne dormirai plus !
Tant que la vigne pousse, pousse, pousse…
Il varia son thème, l’enguirlanda de vocalises, s’éprit de sa voix, devint ce chanteur éperdu, enivré et haletant, qu’on écoute avec le désir insupportable de le voir chanter.
J’ai vu chanter un rossignol sous la lune, un rossignol libre et qui ne se savait pas épié. Il s’interrompt parfois, le col penché, comme pour écouter en lui le prolongement d’une note éteinte… Puis il reprend de toute sa force, gonflé, la gorge renversée, avec un air d’amoureux désespoir. Il chante pour chanter, il chante de si belles choses qu’il ne sait plus ce qu’elles veulent dire. Mais moi, j’entends encore à travers les notes d’or, les sons de flûte grave, les trilles tremblés et cristallins, les cris purs et vigoureux, j’entends encore le premier chant naïf et effrayé du rossignol pris aux vrilles de la vigne :
Tant que la vigne pousse, pousse, pousse…
Ce recueil est suivi de :|8| Mitsou.
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